Accord SACEM – Creative Commons, la blague !

Beaucoup de bruit a été fait, depuis ce 9 janvier 2012 et le fameux accord signé entre la SACEM et Creative Commons*. Il s’agit d’une expérience pilote qui « vise à permettre aux créateurs membres de la SACEM de développer la promotion de leurs œuvres en ayant recours, tout en confiant la gestion de leur œuvre à la SACEM, aux licence Creative Commons option Non-commerciale (CC-NC) ».

Nous pouvons nous réjouir du fait que le sujet du partage culturel soit enfin mis sur la table, et qu’une solution autre que celle de la répression prônée par le projet HADOPI soit discuté. Cet accord est peut être une avancée concernant le partage sur internet, et avec la reconnaissance des Creatives Commons par la SACEM, c’est une brève de réflexion qui s’ouvre concernant les partisans de la licence globale.

 

Mais cet accord est une grosse blague !

Dans le contenu tout s’articule autour de la notion de « l’usage non-commercial » et, au risque de perdre le moindre euro, la SACEM a blindé le texte de clauses rendant la définition très ambiguë et pour ainsi dire quasi inutilisable.

Voici quelques précisions apportées par le compte-rendu de cet accord concernant la définition d’un usage commercial, donc soumis à une perception SACEM :

– « Toute utilisation d’une œuvre donnant lieu à une contrepartie, financière ou autre, sous quelque forme, à quelque titre et pour quelque motif que ce soit et quel qu’en soit le bénéficiaire ». Impossible donc selon cette clause de faire circuler un chapeau à la fin d’un spectacle de rue ou d’insérer sur internet un espace de dons à montant libre.

– « Toute utilisation d’une œuvre à des fins de promotion, ou en lien avec la promotion, d’un quelconque produit ou service et quel qu’en soit le bénéficiaire ». L’interdiction de publicité annexée est compréhensible, bien que quasi impossible à éviter sur le net. Par contre, cette condition est tellement large qu’elle comprend l’artiste lui-même ! Pourtant, le choix d’utiliser une licence CC NC est toujours fait dans un but de promotion, que ce soit pour l’album ou le concert de l’artiste en question.

– « Toute utilisation d’une œuvre dans un restaurant, un bar, un café, une salle de concert ou autre lieu d’accueil du public ». Avec une belle tournure un peu fourre-tout, la SACEM octroie à ses contrôleurs le droit de remettre en cause tout caractère non-commerciale lors de leur passage sur un événement culturel.

De plus, il est précisé qu’il est d’usage commercial :

« Toute utilisation d’une œuvre par une entité dans le cadre, ou en relation avec, d’activités générant des recettes ». Nous aurions pu comprendre et accepter ici l’usage des termes « bénéfices » ou « usage lucratif », mais avec « recette », la SACEM englobe la quasi-totalité des événement culturel en prohibant l’existence d’une buvette associative ou vente de gâteau par exemple.

Et la SACEM va même plus loin en précisant qu’une diffusion publique est non-commerciale quand « aucune dépense n’est engagée, par exemple, pour les frais artistiques, les lumières, la sonorisation, la salle… » ! Depuis quand organise-t-on des événements sans frais ?

Face à ces constations, où sont donc les avancées ? La SACEM persiste et signe en calquant sa définition de « non-commercial » sur celle de « cercle familial restreint », tout en se rangeant une fois de plus du côté de l’industrie culturelle, et en faisant de nouveau preuve d’arrogance et de mépris envers la culture libre et le secteur non-lucratif.

La seule « presque » nouveauté n’est rien d’autre que l’officialisation de ce qui se fait déjà sur internet depuis maintenant plus de 10 ans, c’est-à-dire le droit pour un artiste membre de la SACEM de partager gratuitement certaines de ses œuvres. Noir Désir, Damien Saez ou Radiohead, tous membres de la SACEM, n’ont jamais attendu cet accord pour mettre en téléchargement gratuit certains de leurs titres à des fins non-commerciales mais néanmoins promotionnelles. Pourtant, lorsque ces auteurs entrent dans cette démarche, ils entrent aussi en contradiction avec le contrat qu’ils ont signé auprès de la SACEM. Cependant, vu les entrées financières qu’ils génèrent, cette dernière ne viendra a priori pas les inquiéter. Aujourd’hui, elle légalise donc ce qu’elle tolère depuis longtemps.

Dans toute cette histoire, l’encre coule, mais rien n’avance vraiment. Ce n’est pas étonnant de la part de la SACEM, par contre c’est plus regrettable pour le combat des licences Creatives Commons. Paul Keller, représentant de la fondation CC, présent lors de la négociation et de la signature de l’accord, n’a pas jugé bon de consulter les principaux intéressés, c’est-à-dire les utilisateurs de ces licences.

Paul Keller a sans doute du être chamboulé par l’éclat de la Rolex de Bernard Miyet, le fameux directeur général de la SACEM, l’homme aux 600 000 € annuels, qui tirera sa révérence en juin prochain pour laisser place à Jean Noël Tronc, un autre haut fonctionnaire au beau CV : conseiller nouvelle technologie sous le gouvernement Jospin, directeur du groupe Orange France Telecom, puis PDG du groupe canal+ outre mer…

Ne vous inquiétez pas, la culture business persiste, mais svp prenez-le à la rigolade !

 

F.P. – Synaps

 

*http://creativecommons.frhttp://fr.wikipedia.org/wiki/Creative_Commons

Source :

http://www.sacem.fr/cms/home/createurs-editeurs/creative-commons/experience-pilote-sacem-creative-commons

http://www.sacem.fr/cms/home/la-sacem/derniers-communiques-2012/sacem-creative-commons-signent-accord-diffusion-oeuvres_1

 

A voir aussi :

http://libreacces.org/?Accord-Sacem-Creative-Commons

http://www.poptronics.fr/Pourquoi-l-accord-Sacem-Creative