Le Cinéma Voyageur s’est invité aux Etats Généraux du Documentaire de Lussas

Surprise, le jeudi 22 Août le Cinéma Voyageur s’est invité aux Etats Généraux du documentaire à Lussas. Pour être une vraie surprise, on n’a prévenu personne. Nous sommes arrivée dans la nuit, nous avons monté notre chapiteau au beau milieu du site et à 9h nous étions là, prêt à diffuser nos films et à discuter. La veille au soir, à l’apéro, nous avons mis sur papier les motivations de cette surprise :

« On  était en vacances, pas loin. Au détour d’une bière, peut-être deux, de celles qu’on descend en singeant le soleil qui se cache, on nous parle d’un festival de documentaire, du documentaire, des états généraux même – qu’on nous dit. Ca vient nous titiller les cages à miel cette histoire. C’est qu’on aime ça nous, les histoires. Même qu’on leurs consacre nos vies ! A se les prendre en pleine poire. Puis à essayer de les raconter. Avec des images et des sons. Et souvent sans thune aucune. On finit notre bière, ou la deuxième, et on se dit qu’on va aller lui dire bonjour, au documentaire. Vu qu’il est pas loin. On arrive. Le coin est chouette : on serait pas si fatigué par le trajet qu’on le trouverait presque idyllique. Des films, des gens, des (d’autres ?) bières… Comme à la maison. Et pourtant, c’est pas tout à fait pareil. Nos films, on les porte sur le dos, comme des baluchons emplis d’idées et d’émotions, et quand ils sont suffisamment pleins, on les pose, les éventre et les partage. Le prix de ce qu’on a récolté, il est libre, le plus souvent possible. Le partage c’est notre lubie, à la limite de l’obsession. Pathologique. Bien sûr, faut bien bouffer et les contraintes, on comprend. Mais on les regarde de haut, on les méprise et si elles s’avèrent être sympas – toutes contraintes qu’elles sont – on leur ressert une rasade de prix libre. Et puis quand on est saoul on les prend par l’épaule et on vocifère, plein de gros mots : licences libres, gratuité… On rit des élites, même quand elles sont habillées comme nous. Les contraintes nous questionnent : c’est quoi ton modèle économique ? On n’en a pas, mais on y travaille, en collectif. Parfois on vit mal, mais on le fait sérieusement. Et en définitive, certes, on a plus de questions que de réponses. Quels films ? Pourquoi ? Et vus par qui ? Ces deux dernières questions se recoupent. C’est qu’on en met beaucoup des enjeux dans le « qui les regardent », nos films bizarres. Et ça finirait presque par esquisser un pourquoi, notre pourquoi. Et quand on voit – par ici – évoqué le peuple, ça nous fait chier. Nous « le peuple », on le connaît pas bien, on n’est même pas sûrs qu’il existe, mais on n’ose plus l’invoquer depuis qu’on sillonne la France à sa rencontre, et qu’on a réalisé que ce sera beaucoup plus compliqué, pour le connaître et lui donner envie de « se lever », que de boire des coups dans la chaleur de l’entre soi en regardant des images et des sons servies sur langage abscon ascendant BAC+5. On cherche nous aussi, on ne fait pas de leçons, mais par contre, à défaut de savoir où on va, on tient à notre liberté et à ses mots simples, à nos affects désaxés qui trouvent leurs prolongements dans nos modes de  vie. Loin de toute structure et de toute subvention, mais souriant et curieux. Du coup, on est venus pour en causer et en montrer, en espérant qu’il nous en serve une, de bière, le documentaire français. »

De 10h à 18h sous chapiteau puis à 21h sur grand écran en plein air, nous avons diffusé nos docus, on a beaucoup discuté avec spectateurs et bénévoles, ça intrigue les surprises ! Notre Haut-Parleur sur le toit du camion à retenti dans tout le village, on en a mis une bonne couche à midi pendant le buffet CNC. Nous n’étions pas vraiment invité mais on s’est quand même servi en p’tit four. Les organisateurs ont eu notre texte ci-dessus et ils ont préféré être discret voir invisible. Les hauts placés ne voulant « pas rentrer dans le débat », nous avons juste vu le régisseur général pour s’assurer de la sécurité des spectateurs qui s’approcheraient des gitans du cinéma, et puis M. Le Maire, un peu outré qu’on s’installe sans prévenir sur un terrain communal, est venu nous gronder gentiment.

De notre coté, aussi inorganisé que spontané, qu’est ce qu’elle nous a fait plaisir cette journée ! Voir à travers tout ces gens rencontré que ce qu’on fait à du sens. Les mercis chaleureux émanent des dépouillés par les séances à 7euros, les encouragements d’un public critique devant nos films, et ces applaudissements à 1h du mat lorsqu’en camion après le rangement nous traversons la rue principale du village.

Nous étions plus une dizaine du cinéma voyageur et des collectifs copains du réseau d’ailleurs, chacun ira de son ressentit, on va en re-causer, on remercie tous les coups de mains et les soutiens car c’était vraiment une belle journée.

(Merci à Mathieu pour la plume du communiqué)