Les brebis qui n’existent pas font-elles des crottes virtuelles ?

Aujourd’hui jeudi 27 mars 2014, nous occupons les locaux de la Direction Départementale des Territoires (D.D.T.) à Albi dans le Tarn pour perturber autant que possible son fonctionnement en représailles des sanctions prises à l’encontre de Nathalie Fernandez et Laurent Larmet, éleveurs de brebis. Ces deux éleveurs, comme d’autres dans le Tarn et en France, refusent d’appliquer la réforme de l’identification des bêtes qui impose la puce électronique RFID aux oreilles des brebis et la traçabilité aux éleveurs.
Lors d’un contrôle sur leur ferme, Nathalie et Laurent se sont vus notifier que la majorité de leurs brebis « n’existaient pas » entraînant de grosses pénalités financières. Aujourd’hui nous sommes donc accompagnés d’un troupeau de
brebis qui « n’existent pas ».
Ceux qui appliquent cette réglementation c’est la DDT. Comme dans les nombreuses bureaucraties publiques ou privées qui encadrent le travail et la vie quotidienne de tout le monde, on s’entend toujours dire les mêmes choses :

« Nous ne pouvons rien faire, ce n’est plus nous qui décidons »
Les systèmes de contrôle du travail sur la Qualité, la Compétitivité, ou la Traçabilité ne sont jamais entièrement automatisés. Pour que ces systèmes soient efficaces, il faut encore des humains qui travaillent avec plus ou moins de zèle. Il y a encore des choix à faire et des décisions à prendre. Qui contrôler ? Sur quoi ? Comment sanctionner ? Pour quels motifs ?
Dans notre affaire, c’est la directrice de la Direction Départementale des Territoires et ses subalternes qui ont décidé en dernière instance et en toute connaissance de cause de retirer 15 000 € des primes agricoles et d’infliger une amende de 4 000 € mettant ainsi en danger la ferme de Granquié. Nous rappelons, en effet, que dans le contexte actuel les « primes » agricoles représentent 150% du revenu des éleveurs. Cette situation est organisée par une politique européenne et française de prix bas que nous n’avons pas décidée.

 « Nous n’avons rien contre vous,  nous ne faisons qu’appliquer la réglementation, elle est la même pour tous »
Les « services » de l’Etat, des chambres d’agriculture, des syndicats, des banques, des assurances, se présentent toujours de façon neutre et sur un pied d’égalité avec nous. A les écouter, ils seraient au service de tous et de toutes les causes, ils n’auraient aucune responsabilité politique. Or, historiquement, l’existence de ces bureaucraties ne se justifie que par un seul projet politique : l’industrialisation de l’agriculture,  incontournable pour  moderniser  le capitalisme français, pour mettre en place une société de consommation et de services, entièrement urbanisée. Depuis les années 1960, c’est toute la pyramide des faux besoins, tout un mode de vie hors-sol, qui repose sur les pesticides, les engrais chimiques, la mécanisation à outrance et les subventions de la PAC.

« Sans contrôle il y aurait des abus, nous aussi nous sommes contrôlés »
Se contrôler les uns les autres semble être devenue une chose normale. Cela s’appuie sur une idée récente : certaines conséquences du système capitaliste ne seraient que des dérives que l’on pourrait éviter grâce à des contrôles. C’est ainsi qu’en agriculture, la traçabilité est entrée en scène à la fin des années 90 pour remédier aux crises sanitaires. Celles-ci sont inhérentes au système industriel et désormais trop visibles. Jusque là, la traçabilité, inconnue du grand public, était un outil de gestion des stocks de marchandises des filières de commercialisation conçues par et pour les industriels. Elle est le prétexte pour élargir à tout le
monde la logique industrielle. Avant, nous subissions comme tout le monde les pollutions et les destructions du système industriel, nous les subissons toujours et nous sommes soumis à un déluge de réglementations qui font semblant de vouloir limiter ces pollutions et destructions.