« Nous assumons les tentatives, leurs approximations et leurs erreurs : elles font partie du jeu. […] Nos films sont imparfaits et contradictoires, comme nous. Mais ils nous accompagnent et nous nourrissent, nous permettent de nous poser des questions et de proposer ces questions à d’autres. Nous n’aimons pas les conclusions trop étroites et sûres d’elles pour être honnêtes. »
Quelques jours auparavant, je reçois une convocation. Alarmée par la faiblesse de mes démarches d’accès à l’emploi, l’institution souhaite me rencontrer pour cerner mon profil. Mon pauvre profil. Je l’imagine, assiégé et retranché, sommé par quelque sbires de l’insertion forcée de bien vouloir entendre raison. De faire profil bas ? Pour éviter d’en arriver là, je décide d’honorer le rendez-vous. Dress code : patte blanche.
On y va finalement à plusieurs. C’est qu’on a fini par prendre l’habitude de se déplacer en meute. Arrivés sur place, on patiente dans ce qui semble être une salle d’attente. Au plafond, quelques caméras de surveillance. Au mur, des affiches, sur lesquelles apparaissent des gens qui sourient, comme s’ils avaient une arme pointée sur la tempe. Et quelques phrases, plutôt comminatoires : « Travailler dans la culture » ; « Artistes, avez-vous pensé à la formation continue ? »…
Un homme s’avance vers nous. J’ai l’impression qu’il s’apprête à nous annoncer qu’il va falloir être fort et que, malgré tous leurs efforts, les médecins n’ont rien pu faire. Je divague. Nous ne sommes pas à l’hôpital, mais dans un de ces lieux où sont censés se jouer nos vies et nos parcours. Là où il n’y a jamais assez de cases dans le formulaire pour y faire rentrer nos rêves et leur souffle. Là où la contrainte dissimule mal son visage hideux derrière des plaquettes d’information alignées sur un présentoir minable.
Dans le bureau, un autre homme. Nous serrons sa main, flasque et exsangue, comme si son cœur ne battait plus assez pour alimenter toutes les parties de son corps en même temps. La discussion s’amorce. Il est là pour nous aider et trouver une solution. Reste à identifier le problème.
Que faisons-nous dans la vie ?
Des films.
L’homme tapote sur le clavier de son ordinateur : il doit bien y avoir des postes à pourvoir. Au passage, il vante les mérites du cinéma. C’est bien, le cinéma. Tout le monde aime le cinéma. Et puis, il y a ces gros tournages, qui viennent barboter dans le bassin d’emploi local, avec quelques points de croissance comme brassards. En prime, une ou deux stars à photographier pour détourner le regard des journalistes de l’entrée de ces usines à ciel ouvert….